EXPERT DU RESEAU
La déclaration d’invention par Cyrille Chapon
Chercheurs/valorisateurs : la déclaration d’invention, un élément essentiel de propriété intellectuelle.
Cyrille Chapon, Directeur Marketing et Transfert de la SATT Ouest Valorisation.
C’est quoi ?
La déclaration d’invention (DI) est d’abord un document juridique, complété par le(s) inventeur(s) pour informer leur(s) employeur(s) (obligation légale). Mais elle est aussi un outil technique primordial pour la mise en œuvre d’une stratégie de protection juridique et de valorisation des résultats de la recherche (universitaire ou privée) la plus efficace possible.
Il peut s’agir d’un papier libre, mais il est préférable d’utiliser les formulaires disponibles sur le site www.inpi.fr ou préférentiellement ceux mis à disposition par les services de valorisation des établissements (service interne, SAIC, SATT, etc.) car ils ont été enrichis de manière à favoriser l’identification des pistes de valorisation, activité généralement éloignée du quotidien du chercheur.
Que contient la DI ?
La DI contient globalement les informations suivantes : Identification des inventeurs et informations quant à leur contribution à l’invention, qui doit être signée par chacun ;
Les circonstances de réalisation des travaux (contrats avec une entreprise, ANR, etc.) ;
L’état des connaissances générales dans le domaine de l’invention (art antérieur) ;
La description détaillée de l’invention et des solutions qu’elle apporte ;
La valeur créée (e.g., avantage économique) ;
Les domaines possibles d’industrialisation ;
Le classement de l’invention.
Classement de l’invention
Il existe trois catégories d’inventions réalisées par un employé : Les inventions de mission
La plupart des inventions de la recherche publique sont faites par des salariés qui ont une « mission inventive » (typiquement les enseignants-chercheurs, doctorants, etc.). Ainsi la propriété est dévolue à l’employeur. Toutefois, les stagiaires, professeurs émérites et autres personnels non-salariés peuvent rester propriétaires de l’invention à hauteur de leur quote-part inventive.
Les inventions hors missions attribuables
Cela concerne assez peu le personnel académique. Une invention hors mission attribuable est réalisée alors que i) le contrat de travail ne comporte pas de mission inventive, ou ii) lors d’activités éloignées des missions confiées, ou iii) « dans son garage » mais grâce aux connaissances ou moyens spécifiques acquis auprès de l’employeur, ou bien dans le domaine d’activité de l’employeur.
Dans ce cas, l’inventeur est propriétaire de l’invention, mais l’employeur peut se l’approprier en contrepartie du paiement du juste prix.
Les inventions hors missions non attribuables
Ce sont les autres inventions, typiquement réalisées « dans le garage » dans un domaine d’activité éloigné de celui de l’employeur. L’inventeur est le propriétaire.
Litige employé – employeur ?
Le classement d’une invention est proposé par l’employé, et peut faire l’objet d’une contestation en justice et devant la Commission Nationale des Inventions de Salariés.
Pourquoi remplir la DI ?
C’est une obligation légale ;
Pour déterminer à qui reviennent les droits moraux (auteur de l’invention) et patrimoniaux (propriétaire - souvent les tutelles de l’unité) selon le classement de l’invention ;
Pour appliquer le régime spécifique d’intéressement des inventeurs de la recherche publique en fonction des parts inventives déclarées ;
Pour informer l’employeur de résultats potentiellement intéressants et lui permettre de décider des stratégies :
- de protection (brevet, logiciel, secret…) avant de divulguer l’invention (publication, conférence, soutenance…) car alors, les protections par brevets ou secret ne seraient plus possibles
- de valorisation. En effet, la loi dispose que le salarié et l’employeur doivent se communiquer tous renseignements utiles sur l’invention en cause, et qu’ils doivent s’abstenir de toute divulgation de nature à compromettre la protection ultérieure de l’invention.
Quand ?
Avant toute divulgation ! c’est-à-dire avant la soumission de la publication à une revue, et 2 à 3 mois avant une divulgation orale ;
Idéalement, dès que l’employé dispose de preuves suffisantes ou a minima crédibles que l’invention fonctionne. Trop tard, de nouveaux documents (travaux concurrents par exemple) pourraient décrire la même invention ou bien la rendre évidente. Il ne sera alors plus possible de la protéger. Trop tôt, l’absence de résultats pourra nuire à la délivrance d’un brevet.
Dans le cas où une protection par le secret est préférée, il n’y a pas vraiment de timing. Le dépôt d’une preuve de la paternité (datation certaine de type enveloppe Soleau) dès que possible est nécessaire pour se préserver en cas de litiges. Il convient d’informer les contributeurs à l’invention que le secret s’impose alors.
En matière de logiciels, la protection par le droit d’auteur s’acquiert du simple fait de la création de l’œuvre (sous conditions). Il convient d’acter une preuve de paternité (type dépôt à l’Agence pour la Protection des Programmes) à brefs délais, pour anticiper d’éventuels litiges. S’il est possible de compléter par une protection par brevets, le timing sera alors le même que ci-dessus.
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