EXPERTS DU RESEAU
Nouvel article
Nos experts maturation de Grenoble INP nous expliquent ce qu’est la maturation technologique ou plus exactement la « maturation technico-économique ». Consultez leur article !
Isabelle Chéry, Wahiba Robert et Gaëlle Calvary
Service Valorisation Partenariats Entreprises (SVP-E) de Grenoble INP
Expertes du Réseau C.U.R.I.E.
Définition
La maturation technologique est un processus visant à sécuriser l’opération de transfert d’un résultat innovant de la recherche publique vers une entreprise ou une start-up. Les défis sont, d’une part, de lever les obstacles techniques et juridiques et, d’autre part, de valider le marché. Aussi, est-il préférable de parler de « maturation technico-économique » plutôt que de « maturation technologique ».
La maturation augmente les chances de survie du résultat innovant lors de son acquisition par une entreprise. Elle accroit la probabilité pour l’entreprise de transformer l’innovation en une offre commerciale formalisée et packagée dans des conditions économiques viables, puis d’envisager sa commercialisation à plus grande échelle.
Comment mesurer le niveau de maturation
La maturation permet de mettre au point un prototype adapté à une première cible marché. Elle permet d’élaborer une proposition de valeur de l’innovation pour la future entreprise qui l’intègrera. Elle démontre, d’une part, le problème résolu et, d’autre part, la valeur ajoutée de la solution par rapport à la concurrence. Elle produit des résultats concrets et mesurables. En pratique, le niveau de maturité d’une innovation est classiquement mesuré sur une échelle dite de « TRL » pour « Technology Readiness Level ». L’échelle comporte neuf niveaux de maturité (de 1 pour faible à 9 pour fort) : plus le niveau est élevé, plus la technologie est sécurisée pour une accroche marché en tant que produit ou composant. Les TRL aident à la prise de décisions en matière de développement et de transfert d’une technologie. Classiquement la maturation s’applique à des innovations de niveau de 1 à 4 et les monte à un niveau de 6 environ.
Le processus
La phase de maturation peut être réalisée par les laboratoires de recherche publique ou coréalisée avec des entreprises. Elle s’effectue suivant un processus qui couvre trois aspects :
a. Aspects « Marketing » pour s’assurer que le marché soit réceptif à l’innovation :
Cette étape consiste à identifier les usages ou applications potentiels de l’innovation. Souvent, l’inventeur pense que son innovation est supérieure aux technologies existantes car elle semble adresser de nombreux problèmes non résolus par les technologies actuelles. Paul Millet [1] parle de prolifération des applications et du mythe du « big market ». En réalité, il est nécessaire de transformer la solution innovante sous forme de problèmes que l’innovation se propose de résoudre. Pour cela, des hypothèses d’application sont émises puis confrontées au terrain. Une segmentation peut ensuite être réalisée pour constituer des groupes de clients qui semblent avoir la même problématique ou la même tâche à optimiser. Il convient ensuite de choisir le segment sur lequel on souhaite se positionner : ce segment est celui pour lequel le problème a une forte valeur ajoutée et/ou est le plus proche de la solution actuelle ce qui le rend plus facile à démontrer. Un cahier des charges adapté à la problématique sera alors élaboré pour construire un démonstrateur qui sera ensuite testé en milieu industriel représentatif.
b. Aspects techniques pour réaliser un démonstrateur conforme au cahier des charges établi avec des industriels représentatifs, identifiés par l’étude Marketing :
Cette étape est la réalisation du démonstrateur qui répond au segment sélectionné et qui sera testable chez un partenaire industriel. Ces tests sont déterminants : ils peuvent démontrer que l’innovation peut effectivement résoudre les problèmes identifiés mais ils peuvent aussi révéler des inconvénients créés par la solution et pas toujours anticipés. Ces problèmes induits pourraient s’avérer plus problématiques pour l’entreprise, annulant dès lors le bénéfice de la solution. En création de start-up, Eric Ries [2] parle de « produit minimum viable » (figure 1). Cela permet d’avoir des tests réels, d’obtenir une première référence d’industriel, d’apprendre, de s’adapter et de se confronter aux problèmes rencontrés sans avoir à les modéliser ou tout simplement à les identifier.

Figure 1 : illustration par Eric Ries du processus pour obtenir un produit adapté au besoin d’un industriel.
c. Aspects juridiques pour protéger efficacement l’innovation et s’intéresser à la réglementation :
Tout au long du processus, l’efficacité de la propriété intellectuelle qui protège l’innovation technologique (secret, brevet, logiciel, base de données ou savoir-faire) sera évaluée et éventuellement complétée au regard des données marketing et des avancées techniques. On déterminera la géographie de la protection par brevet. On étudiera aussi les normes et la réglementation (par exemple, en matière de sécurité) au cours de la maturation.
Sources
[1] Paul Millet, Segmenter les marchés du futurs, la méthode de segmentation, Ed. Perason, 2015.
[2] Eric Ries, The Lean Startup : How Today’s Entrepreneurs Use Continuous Innovation to Create Radically Successful Businesses, 2011 ed. Broché.
Les experts du Réseau
Leurs thématiques d’expertise sont les suivantes : la détection d’inventions, la protection intellectuelle et juridique, la maturation technologique, la maturation économique, le transfert de technologie, la gestion des partenariats de recherche et la création d’entreprise.
Retrouvez les : sur l’onglet dédié